Bataillons
de Parachutistes
Vietnamiens
.
J
'ai
confiance en vous. Vous êtes l'espoir qui n'a pas failli et ne
sera pas déçu. Je crois que le monde sera sauvé
par quelques-uns.
Je crois que le Vietnam sera sauvé par vous .
Ainsi s'exprimait Jean de Lattre de Tassigny, Maréchal de France,
que la France avait chargé de redresser la situation après
le désastre de la RC 4.
Pour
lui, il fallait absolument que les Viets se prennent en charge et assurent
leur défense C'est le fameux « jaunissement » et
l'intégration d'unités autochtones dans le corps expéditionnaire
Correctement encadrées, ces formations étonneront l'état-major
par leur "conduite au feu". A maintes reprises, comme le 5e
bataillon de parachutistes du Vietnam-Nord (BPVN) du commandant Botella
le fameux "5e Bawouans" de Diên Biên Phu,
ils
sauront mourir pour leur patrie !
De la même manière que les autres compagnies du CEFEO,
la Légion intégrera des Vietnamiens dans ses unités.
On imagine facilement les problêmes que ne manquera pas de poser
ce nouveau recrutement. D'un côté les guerriers des plaines
de l'Europe centrale, de l'autre, les "nha-qués" des
rizières.
La
Légion est ainsi faite qu'elle a vocation d'acceuillir toutes
les nationalités dans ses rangs. En fait la difficulté
se situe plutôt au plan administratif . Bien qu'ils combattent
au milieu d'eux, les Vietnamiens ne sont pas engagés comme les
légionnaires étrangers. Formés en unités
constituées destinées a devenir le fondement de la nouvelle
armée vietnamienne .
Ce ne sont pas non plus des supplétifs tels qu'on les recrute
dans les postes. L'incompatibilité pourrait paraître insurmontable
; pourtant, une fois encore, l'amalgame prend et, à la surprise
générale, les nouveaux venus ne sont pas seulement acceptés,
mais aussi fort appréciés pour leur connaissance du terrain
et leurs qualités de soldats.
Partout, à Hoa-Binh, à Nghia-lo, à Na-San ou à
Diên Biên Phu, les petits légionnaires font face
et affrontent l'épreuve du feu comme les plus vieux grognards.
«
Moi, c'est être légionnaire, pas vietnamien ! »
La formule se répand, et les hommes des CIPLE (compagnie indochinoise
parachutiste de la Légion Etrangère) arborent fièrement
le béret blanc aux flots verts et rouges qui les assimile à
cette troupe d'élite.
Dès son arrivée en Extrême-Orient, la Légion
avait compris la nécessité des formations de partisans
ou de supplétifs. C'est ainsi que tous les régiments entretinrent
des formations autochtones, allant du groupe au gros détachement.
On se souvient des postes du 3e REI en Haute Région, ou encore
du célèbre commando Constant du ler BEP qui, placé
sous les ordres du lieutenant Stien, figurera parmi les rares rescapés
de la RC 4. Tous les régiments comptèrent des unités
indochinoises ; mais les plus typiques furent certainement les CIPLE
des BEP composées exclusivement de volontaires TAP qui surent
se hisser au niveau de leurs prestigieux frères d'armes.
En 1951, l'heure n'est plus aux atermoiements : on est pour le Vietminh
ou contre lui ! Les commandos s'étoffent, deviennent des sections,
puis des compagnies. A Bach-Maï, le lieutenant Allaire se voit
confier l'instruction des premiers volontaires légionnaires parachutistes
vietnamiens. Quelques temps plus tard, les CIPLE des BEP participent
pleinement aux combats. Le 21 décembre, la CIPLE du 2e BEP, sous
le commandement du capitaine Hélie Denoix de Saint-Marc, signe
son premier fait d'armes sur les pentes du Bavi. En janvier 1952, ce
sont les combats de la rivière Noire et le repli d'Hoa-Binh,
puis les BEP font du bilan lors de l'opération Lorraine où
la CIPLE du ler BEP, grâce à ses pisteurs, anciens viets
ralliés, découvre les ateliers et les caches sur la rive
du Song-Chay, tandis que le 2e BEP se place en protection et recueille
les unités ayant participé à l'opération.
L'année 1953 est celle des changements : mutations, relèves,
restructuration des unités. A la 1ère CIPLE du 1er BEP
qui devient la 4e compagnie, le capitaine Cabiro succède au lieutenant
Bertrand qui prend temporairement le commandement de la 2e CIPLE devenu
8e compagnie du 2e BEP en attendant le lieutenant Pétré.
Mais
1953, c'est aussi l'année des camps retranchés : Louang-Prabang,
la plaine des Jarres, Na-San et surtout Diên Biên Phu où
le 1 er BEP est présent dès le début de la bataille.
Parmi cent exemples, la reprise de la cote 781 par la 4e compagnie de
Cabiro. Position essentielle du dispositif français, elle
domine directement la piste d'aviation. Au Le capitaine Hélie
Denoix terme d'un corps à corps acharné, les petits de
Saint-Marc, commandant parachutistes vietnamiens conquièrent
la la CIPLE du 2e BEP. position.
Août 1954. Les accords de Genève consacrent la
partition de l'Indochine. Pour les légionnaires vietnamiens,
c'est le drame. Abandon des villages, repli des notables et des partisans
de la première heure qu'il faut soustraire à la vindicte
des commissaires rouges. Terrible déchirure pour ces populations
obligées de quitter leur Tonkin pour l'Annam ou la Cochinchine
au sud du 17e parallèle et où ils ne sont pas les bienvenus.
Quant à ceux qui choisissent de rester, comme les prisonniers
français rendus à Vietri, leurs corps mutilés témoigneront
de la politique de clémence de l'oncle Hô.
Au repos ou au combat, les Vietnamiens sont très
fiers
d'appartenir à un BEP et arborent avec fierté leur béret
blanc aux flots vert et rouge.
Jour
de gloire pour la CIPLE
Au mois de juillet 1952, le ler BEP est mis à la disposition
de la 2e division de marche du Tonkin et fait mouvement sur Trang-Xa.
Le 18 juillet, la CIPLE accroche à Dong-Cap, un petit village
où les combats ne laissent plus subsister que quelques canhas,
dominées par une église au clocher coiffé de paillotte
qui abrite un observatoire d'artillerie. Commandée par le lieutenant
Bouchacourt, la CIPLE est une véritable tour de Babel, où
se côtoient une dizaine de nationalités différentes,
ce qui est normal à la Légion, mais où les Vietnamiens
eux-mêmes se répartissent entres Muong, Thaïs des
vallées, Méos, Thos, Annamites ou Tonkinois du delta...
se vouant en temps ordinaire de solides antagonismes pour ne pas dire
plus. Hormis les chefs de section : les lieutenants Banse, Bordier,
Soufflet et l'adjudant La Scola, la majorité des gradés
sont des autochtones. Hongrois de près de deux mètres
défilant auprès d'un nha-qué d'un mètre
cinquante , Muller hurlant "maulen" et N'guyen lui répondant
"schnell" », tout ce monde forme néanmoins une
unité de valeur et d'une rare cohésion. Rien ne laisse
prévoir que ce vendredi de juillet sera un jour de gloire pour
la CIPLE. Le bataillon s'est mis en route au lever du jour pour assurer
la protection des travaux que le génie effectue à Cho-Noï.
Dispositif classique : la CIPLE en tête, ensuite la 1ère
compagnie, PC et les éléments lourds, enfin la 2e compagnie.
La rizière est inondée et les petits Vietnamiens ont de
l'eau jusqu'au ventre ; les remblais et les diguettes sont boueux et
peut-être piégés, donc à éviter. Au
loin, un groupe de tombeaux que les légionnaires européens
fouillent. Il est vide de viets et ... de fantômes. Ras par l'absence
d'esprits mauvais, les volontaires pressent le pas. Bouchacourt dépasse
une canha en ruine RAS, envoie-t-il au commandant Brothier, position
: deux kilomètres sud-ouest de Dong-Cap... ».
Au
même moment des tombeaux si calmes tout à l'heure, de la
paillotte abandonnée , les armes automatiques tissent une toile
mortelle. Mitrailleuses , FM, il sort des viets de partout ; ils se
lèvent de la rizière en hurlant et attaquent la compagnie
de front. Les légionnaires et les volontaires sont au corps à
corps, baïonnette contre coupe-coupe. La surprise est totale, mais
ne suffit pas à désemparer la CIPLE.
Pendant qu'elle fait front, les deux autres compagnies on l'élément
viet en tenaille. C'est alors que la CIPLE se lève et donne l'estocade
aux bo-doïs dans un assaut furieux. Poursuivi; par le reste du
bataillon, les viets sont en déroute. A midi après une
fouille minutieuse du champ de bataille, la CIF dresse un premier bilan
de son action : 49 viets tués, 11 et trois prisonniers évacués
sur Hung-Yen. Armement récupéré ,une mitrailleuse
US de 50, 2 FM, un mortier de 60, 1O P.M et 20 fusils.
La CIPLE compte deux morts et plusieurs blessés; Plus fièrement
que jamais, les volontaires vietnamiens arborent ce béret blanc
aux flots vert et rouge qu'ils ont obstinément refusé
d'échanger contre le béret kaki des autres CIP. Mais chose
plus importante à la fin de cette journée, il y a eu un
parachutage de vivres et le foyer est à nouveau ouvert !
Officiers
ayant commandé la C.I.P.L.E.
Commandant Denoix
de Saint-Marc ,et Commandant Cabiro
Commandants
Raffalli, Bloch et Merglen