Bataillon
Etranger de Parachutistes
Par
Pierre Dufour
Indochine (éditions
Lavauzelle)
Si
l'histoire du 1er BEP en Indochine semble tout droit sortie de la "tétralogie
wagnérienne" celle du 2e BEP paraît beaucoup plus fluide.
D'un coté une unité de lieu : le Tonkin ; de l'autre, des
interventions, essentiellement dans le Sud et le Centre-Annam avant de
retrouver le général de Lattre de Tassigny à Hanoï.
Le
2ème REP commandé par le capitaine Solnon débarque
à Saïgon le 9 février 1949. Quatre jours plus tard, laissant une compagnie à Than-Son aéroport de Saïgon,
il est dirigé sur le Cambodge et le capitaine Solnon établit
son PC à Kep près de Pnom-Penh. Avec les bataillons de la
13 ème Demi-Brigade de la Légion Etrangère et du
2e REI, il participe à la pacification du pays.
Le
2e BEP se caractérise, à sa création, par la jeunesse,
l'expérience opérationnelle et la forte personnalité
de ses commandants d'unités : les Lieutenants Caillaud et Verguet,
le capitaine Cazaumaillou remplacé quelques mois plus tard par
le Lieutenant Cabiro, respectivement à la tête des1ère, 2ème et 3ème compagnies. A peine plus âgés
que leurs chefs de section, sortant d'école, ils ont tous participé
aux campagnes en Europe et déjà combattent depuis vingt-sept
mois en Indochine comme chefs de section, les lieutenants Cabiro et Caillaud
décorés de la Légion d'Honneur.
De février 1949 à septembre 1950, à l'exception de
la période janvier - février 1950 où il opère
groupé au Centre-Annam, le bataillon est engagé par compagnies
isolées au Cambodge, en Cochinchine, en ainsi que sur les plateaux,
dans le Bas et Moyen-Laos. Les opérations défilent à
un rythme soutenu. Ainsi, dès le 9 mars 1949, la 3e compagnie participe
à l'opération Tigre dans la presqu'île de Go-Gong. Le 1er mai, elle participe à Glycine et le 30 elle est engagée
dans une opération de ratissage du VAîco occidental. Au mois
de juin, la 1 ère compagnie éxécute une OAP sur l'extrémité
ouest du canal de Lagrange, puis le 16, elle saute sur Bao-Cong et Aaap-Ba-Cong. Le 30 juin, elle est engagée dans Alpha et saute au nord de Cap
Saint-Jacques afin de démanteler les infrastructures des bataillons
301 et 309. Pris à partie dès le saut, les légionnaires
rencontrent une forte résistance et des pièges redoutables
qui occasionnent plusieurs pertes dans d'atroces souffrances ....
Le
3 Novembre, le 2ème BEP quitte le Cambodge et est regroupé
a Saïgon ou il passe en réserve générale à
la disposition du général Carpentier, commandant le CEFEO.
A cette époque, ne pouvant emporter la décision au Tonkin,
le haut commandement français décide de frapper au Sud,
là où le chef vietminh Nguyen-Binh ne peut que rarement
accepter le combat. Le blocus du Transbassac, l'encerclement de la plaine
des Joncs, le contrôle des circulations fluviales et côtières
par la marine nationale et les unités amphibies du Génie-Légion,
entraîne l'asphyxie des rebelles. Aussi, Nguyen-Binh tente-t-il
de reprendre l'initiative en s'emparant de la ville de Tra-Vinh.
Le 26 décembre 1949, la chute de la petite sous-préfecture
semble imminente. La seule unité disponible, la 1 ère compagnie
du capitaine Caillaud saute à proximité de Hieu-Tu : une
centaine de paras-Légion contre trois bataillons viets ! Malgré
cette apparente disproportion de forces, la 1ère compagnie parvient
à reprendre le village de Hieu-Tu en infligeant des pertes sévères
au vietminh qui n'est plus en mesure de poursuivre sa marche sur Tra-Vinh.
En Annam, malgré la présence du 2e REI, l'année 1950
est marquée par le renforcement massif du Vietminh, et il est de
plus en plus difficile de pacifier une région de 600 kilomètres
de long, s'appuyant sur la Cordillère Annamitique. Aussi, dès
le 1 er janvier, le
2e BEP est aérotransporté au Centre-Annam, mis à
la disposition du secteur de Dong-Hoï. Cette campagne est marquée,
le 1 er avril 1950, par le fait d'armes de la 2e compagnie du capitaine
Cabiro avec l'escadron de crabes du lieutenant Casati, qui dégage
deux compagnies de tirailleurs du bataillon de marche d'Extrême-Orient
promis à l'extermination a Bacum, un village situé au milieu
de la rizière blotti au fond d'un vaste quadrilatère protégé
par quatre levées de terre de haies de bambous infranchissables
que les habitants appellent "giong" Avec l'appui de la chasse,
les légionnaires de Casati et de Cabiro déciment les "bo-doïs"
qui laissent 130 des leurs sur le terrain avant de
parvenir à se disperser et de tenter de rejoindre leurs sanctuaires
de la montagne.
Cette action vaut à la 2e compagnie,
sa première citation
à l'ordre de l'armée
Jusqu'au
mois de septembre, le bataillon parcourt l'Annam, et la Cochinchine sans
discontinuer. Ses compagnies accrochent sans cesse : My-Trach, Hué,
Pak Chu-Phuoc-Haï ....
Mais voici le temps des épreuves ; le 2e BEP rejoint le Tonkin
et, le 8 octobre 1950, il est mis en alerte pour sauter sur la RC 4. Finalement,
c'est le 3e BCCP et la compagnie Légion Loth qui s'abîment
dans la fournaise. Aux ordres du capitaine Dussert, le 2e BEP constitue
l'ultime réserve du Tonkin. Mais en même temp que de Lattre,
voici qu'arrive le capitaine Raffalli pour prendre le commandement du
2e BEP.
Un
"cavalier" ! L'étonnement est grand au sein du Bataillon. Pourtant très vite, le Commandant Raffalli va se révéler
être le grand "patron" qu'attendait le 2ème
BEP. L"année de Lattre "va lui permettre de donner sa
pleine mesure de tacticien, de combattant et de meneur hommes. A Ke-Sat,
le 3 février 1951, il révelle sa science
du combat en dégageant le poste de Ké-San , alors que la
CCB accroche à Do-Xa. II apparait rapidement que l'affaire se situe
dans le conflit dans la grande offensive de Giap sur le delta. Jouant
des appuis, de deux pièces d'artillerie et un d'un peloton de M
24 sur la RC 5, Raffalli fait manoeuvrer ses compagnies, puis lance l'assaut
sur Ly-Dong et Do-Xa en début d'après-midi. Au bout d'une
heure de combat sauvage et sans merci, les viets perdent pied et s'enfuient
vers les rizières où les ceuillent l'artillerie et les canons.
Giap ne renonce pas et dans la nuit du 23 au 24 il lance une brigade à
l'attaque des petits postes de la RP 18. Mais de Lattre replie son dispositif
du Song-Da-Bach, installant le recueil des rescapés de la RP 18.
Giap se retourne alors contre Mao-Khé, mais le général
est résolu à défendre le poste. II envoie le 2e BEP
et le 6e BCCP pour tenir la garnison. Amené en véhicules,
le 2ème BEP est placé en recueil du 6e BCCP qui casse du
viet toute la nuit. A l'aube, les viets se retirent, vaincus. Au mois
de mai, troisième acte : Ninh-Binh subit la division 308. A la
fin du mois, un groupement parachutiste saute sur Ninh-Binh et Taï-Binh. Les deux BEP se rejoignent
et opèrent dans l'évêché de Phat-Diem. Le capitaine
Bertoleau, commandant la CIPLE du 2e BEP est tué, et le capitaine
Raffalli est blessé. Le bataillon acquiert la reconnaissance du
"roi Jean" qui, le 7 juin, pendant les opérations
de Phat-Diem, lance un message laconique de son "piper-cub"
:
"Bravo, le 2ème BEP"
En
toute hâte, au mois de septembre 1951, le 2ème BEP quitte
la région de Hué où il opérait, pour rejoindre
le Nord où la situation s'est dégradée en pays Thaï.
Durement étrillé dans le delta, Giap porte maintenant son
effort en Haute-Région. Dès l'automne, il oriente le régiment
148 et la division 312 soutenus par 15 000 coolies sur Laï-Chau et
Nghia-Lo.
"Nghia-Lo est le poste clé du système défensif
français en Haute Région. II commande l'accès au
pays thaï, au Laos et aux contrées bordant le Moyen-Mékong.
Situé entre le fleuve Rouge et la rivière Noire, dans une
cuvette de dix kilomètres sur quatre, à environ deux cent
cinquante mètres d'altitude, Nghia-Lo est un bourg entouré
de hautes montagnes atteignant parfois 1 500 mètres. L'endroit
présente une topographie faite de massifs granitiques couverts
d'épaisses forêts, séparés par des vallées
encaissées. Les voies de communications sont limitées :
la route fédérale 13, des pistes de montagne praticables
seulement avec des guides et un terrain d'aviation qui permet de ravitailler
la vallée perdue. La population se compose essentiellement de Thaïs
et de quelques hameaux muongs ou annamites ; la montagne est le domaine
des Mans et des Meos réputés hostiles au Vietminh."
Le sous-secteur de Nghia-Lo est tenu par un bataillon d'infanterie coloniale
renforcé de quelques compagnies supplétives. Le 25 septembre,
les partisans signalent la 312 à vingt kilomètres de Gia-Hoï.
Salan laisse venir. Son plan est simple : Nghia-lo doit encaisser le choc
et retenir le gros de l'ennemi qui sera alors matraqué par l'aviation
tandis qu'un groupement parachutiste comprenant le 2e BEP agira sur les
arrières de l'ennemi. Le plan réussira à la perfection,
et le 2e BEP se distinguera au cours de la bataille de Nghia-Lo.
Le
2ème BEP dans la bataille de Nghia-Lo
Au
plus fort de la bataille de Nghia-Lo, le général Salan déclenche
trois OAP. Le 2 octobre 1951, le 8e BPC est largué sur la cuvette
et accrocles les viets sur leurs arrières, mais il est obligé
de se replier en soutenant de très durs combats, qui lui occasionnent
des pertes sévères. Le général Salan décide
de lui venir en aide et déclenche Thérèse. Le 2e
BEP du commandant Raffalli saute sur Gia-Hoï.
A
terre, il forme un groupement opérationnel avec le 8e BPC et l'ACP
1 sous les ordres du lieutenant-colonel de Rocquigny. Dès que le
bataillon est regroupé, Raffalli fait mouvement sur la cote 405,
au sud du col de Ban-Van, qu'il atteint dans la soirée. La compagnie
Longeret est restée en réserve à Gia-Hoï, mais
elle doit détacher une section en reconnaissance sur les lieux
où le 8e BCP a été durement accroché la veille.
Malgré les craintes qu'inspire cette mission, la section du lieutenant
Clementin revient intacte et ramène de précieux renseignements.
Le
5 octobre, Rocquigny ordonne au 2e BEP de se rendre à Bac-Co, à
six kilomètres seulement de Gia-Hoï. ll faut au bataillon plus
de neuf heures d'une marche épuisante pour réaliser le parcours.
Le commandant Raffalli a allégé les hommes au maximum. A
l'exception de celui de la compagnie Lemaire, les canons de 57 SR et les
mortiers de 81 sont restés à Gia-Hoï. Les parachutistes
sont redevenus des légionnaires confrontés à un terrain
difficile où le viet peut surgir à chaque seconde Une dure marche commence, avec tout l'équipement du combattant
de 1951 et des sacs souvent lourdement chargés. Après la
rivière passée a gué , un petit torrent de montagne
impose
de rudes qualités d'équilibriste. Un bref repos, après
plusieurs heures de marche, repos coupé d'une MIC grillée
avec délice et d'un coup de rouge, également adopté
et apprécié par le parachutiste-vietnamien, le dernier
camarade du légionnaire, mais non le moins fidèle. - "Képi-Blanc
n° 61 - 1951".
Le
6 octobre, le 2e BEP accroche au sud de Bo-Sien. A 10 heures : la compagnie
Calixte tombe nez à nez avec un élément viet en tenue
parachutiste commandé par un déserteur Arabe. La réaction
des légionnaires est instantanée et les viets sont culbutés
par la fougue de l'assaut. Raffalli s'installe à Bo-Sieng avec
son PC. De là, il fait manceuvrer la compagnie Lemaire et ordonne
à la CIPLE de Denoix de Saint-Marc de prendre un piton boisé
sur lequel un élément viet gêne considérablement
les mouvements du bataillon. Les combats vont tout durer toute l'après-midi,
mais les Vietnamiens de la CIPLE ont finalement le dernier mot. Le 2e
BEP occupe les villages dominant le village et la piste de Khau-Vac. Un
silence profond remplace le vacarme des armes : Raffalli a perdu le contact
radio avec le PC du lieutenant-colonel de Rocquigny. Celui-ci, inquiet,
envoie le "8" à la rencontre du 2e BEP ; mais les
parachutistes coloniaux sont bloqués à Tan-Kouen. Et toujours
aucune Iiaison avec le 2e BEP. A Bo-Sieng, Raffalli s'est enterré
en point d`appui et
attend l'inévitable charge que ne va pas manquer de lancer le colonel
Tan, commandant la 312. Le correspondant de Képi-Blanc
a
participé à ces journées des 6 et 7 octobre 1962
La bataille est engagée dans l'après-midi du 6 et, après
plusieurs assauts, les viets sont délogés de leur position
dominante. Refoulés, ils reviennent toute ta journée, en
tas serrés, au coude à coude, et cela continue toute la
nuit.
Les armes crachent, tuent, meurtrissent.
Lorsque
!es munitions sont épuisées, les engagements se poursuivent
à la baïonette, au poignard, aux poings. L'ennemi donne dans
le plan il fait décimer ses plus beaux bataillons, ses brigades
d'élite.
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