
"Von
Palaïef "
Recrée
à partir de l'escadron de reconnaissance en 1957, la compagnie
portée du 2e REP est confiée au capitaine Bourgin, un ancien
de la 3e CSPL. Le Sahara l'a profondément marqué comme il
le confesse dans Sejours de Sebha en écrivant:
Deux
ans de Sahara n'ont pas su me blaser Son
soleil de feu,ses dunes et son sable, Ont
enrichi ma vie de toute leur âpreté.
Car le capitaine Bourgin,
s'il apparaît à beaucoup comme un
mystyque est aussi un poète. Ce barbu aux yeux clairs et aux traits
burinés a déjà publié plusieurs de ses oeuvres
dans Képi-Blanc sous le patronyme de "von Palaîeff
".
Peu
porté sur les plaisirs extérieurs, cet ascète est
aussi un conteur brillant qui sait tenir en haleine les auditoires les
plus divers. L'homme respire la sympathie.
Pourtant ceux qui l'approchent lui prêtent un grand secret qui semble
avoir provoqué une blessure inguérissable. Officier d'élite
comme eux qui servent dans les REP, le capitaine Bourgin est un fin manoeuvrier
e tun entraîneur d'hommes. Bien que ses qualités guerrières
fussent égales à ses qualités humaines, Pierre Bourgin
ne fut jamais l'homme des bilans, demeurant avant tout un homme de coeur
et de claire raison. ll refusait toute confusion des valeurs. Avec éminement
de délicatesse et de nuances, il pouvait alors jauger, à
coup cellles de ses hommes.
Toujours, se souvient l'ancien légionnaire Florent Rodriguez-Rincon,
il essayait de trouver la solution en conformité avec son sens
aigu de la justice : conclusion logique de l'amour qu'il portait à
ses légionnaires. Tout en lui procédait dela conscience
la plus haute qu'il avait métier de son métier de chef.
C'est ce qui explique avec quelle sûreté il mesurerait la
portée d'une récompense. Tout cela en définitive
n'est pas sans contrecoup sur le moral de sa compagnie
qui lui tenait à coeur, et demeurait
sa raison de vivre. Celle-ci d'ailleurs ne s'y trompait point et
lui vouait un attachement et une admiration sans bornes
Sa mort au combat sera ressentie par tous les légionnaires de sa
compagnie comme un affront personnel qu'il faut laver dans le sang des
"fellaghas". Un peu à la manière d'Alan Seegers
qui, quelques jours avant
la bataille de Belloy-en-Santerre, le 4 juillet 1916, avait donné
"rendez-vous" à la mort, lors de la toilette mortuaire
de Pierre Bourgin, on retrouvera dans la poche de sa veste de combat ensanglantée
une feuille de papier pliée en quatre sur laquelle il avait écrit,
à la façon de l'aspirant Zirnheld, son grand secret d'homme, en forme d'ultime prière
"Seigneur,
je voudrais être de ceux qui risquent leur vie.
Seigneur, vous qui êtes né au hasard d'un voyage,
et mort comme un malfaiteur, après avoir couru sans argent
toutes les routes, celles de l'exil, celles des pèlerinages
et celles des prédications itinérantes.
Tirez-moi de mon égoïsme et de mon confort.
Que marqué de votre croix, je n'aie pas peur de la vie rude
et dangereuse où l'on risque sa vie.
Mais, Seigneur, au-delà de tous ces risques d'une vie engagée
dans l'action, au-delà de tous ses héroïsmes à panache,
rendez-moi disponible pour la belle aventure
où vous m'appelez. J'ai déja à engager ma vie, Seigneur, sur votre
parole.
Les autres peuvent bien être sages, vous m'avez dit q u'il fallait
être fou.
D'autres croient à l'ordre, vous m'avez dit de croire à l'amour.
D'autres pensent qu'il faut conserver, vous m'avez dit de donner.
D'autres s'installent, vous m'avez dit de marcher
et d'être prêt à la joie et à la souffrance,
aux échecs et aux réussites, de ne pas mettre ma confiance
en moi, mais en vous, de jouer le jeu chrétien sans me soucier des
conséquences et,
finalement de risquer ma vie en comptant sur votre amour. "
 
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