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Dossier - DIÉN BIEN PHU
Bodoï lesquels dix minutes plus tard s'emparent du PC de de
Castrie.
Alors que de Castries est emmené en captivité, sur
Isabelle, légionnaires du III/3e REI, tirailleurs des II/1er
RTA, V/7e RTA, artilleurs du 3/10e RAC, chasseurs du peloton Préau
du 1" RCC et Thaïs des BT sous les ordres du colonel Lalande,
s'apprêtent à briser l'encerclement vers le sud. Cette
sortie débute vers 8 h du soir dans des conditions plus que
défavorables. Pris sous le feu de l'artillerie adverse, confrontés
à une vive résistance du régiment 57 renforcé
de trois bataillons de la 308, les hommes qui y participent sont
très rapidement obligés de se replier sur leur position
de
départ. Lalande n'a dès lors plus d'autre choix que
d'accepter la proposition de cessez-le-feu que lui font alors des
émissaires viêt-minh. A 1 h du matin, la garnison d'Isabelle
dépose les armes. Le camp retranché de Diên
Biên Phu appartient désormais au passé.
Ces très jeunes combattants font preuve d'u enthousiasme
mais les pertes seront si lourdes assauts directs que Giap devra
adopter une strate économe du sang de ses hommes. (collection
Dul
Nicolas avec quelques marocains et légionnaires ;
- sur Claudine, le commandant Clémençon et quelques
éléments ; - sur Junon, aux côtés des
mitrailleuses quadruples du lieutenant Redon, les Thaïs blanc
du capitaine Duluat et quelques légionnaires du 1/13"
DBLE ; - sur Eliane 2, les deux compagnies du 1" BPC, la 2
du capitaine Pouget et la 3 de Marcel Edme, sur Eliane
3 des légionnaires du I/ 13" DBLE et quelques tirailleurs
du 1/4" RTM, sur Eliane 4, les restes du II/ 1" RCP, du
5' BPVN et du 1" BEP, sur Eliane 10, ceux du 6" BPC, enfin
sur Eliane 11 et 12, aux ordres du capitaine Chenel, des Thaïs
du BT 2, des tirailleurs algériens et quelques sapeurs.
Tel est le dispositif français à 5 h du soir, lorsque
les Viêts lancent leur ultime attaque. Plus encore que les
autres jours, le bombardement est d'une violence inouïe, l'ennemi
utilisant pour la première fois des orgues de Staline aux
effets dévastateurs. A minuit, les Bodoï s'emparent
d'Eliane 10. A 2 h du matin, une énorme explosion secoue
Eliane 2 sous laquelle les sapeurs Viêt-Minh viennent de faire
sauter deux tonnes de TNT ! A l'aube en dépit d'une résistance
farouche, après tant de sacrifices de part et d'autre, Eliane
2 tombe définitivement aux mains des Viêt-Minh. Le
7 mai, peu après 16 h toutes les positions à l'est
de la Nam Youn ont cessé d'exister. La superficie du camp
est désormais réduite à celle d'une peau de
chagrin de 500 mètres de côté, sur laquelle
s'entassent
4 000 blessés et près d'un millier de déserteurs.
La résistance devient dès lors illusoire comme tout
projet de sortie en force, d'ailleurs. Dans l'après-midi
du 6, en effet, de nouvelles photographies aériennes du camp
retranché sont parvenus à de Castries, Langlais et
Bigeard. Or ces photographies ont révélé que
le Viêt-Minh avait réalisé trois nouvelles tranchées
interdisant toute sortie vers le sud.
A 16 h 30, après avoir reçu l'aval du général
Cogny, de Castries ordonne donc à toutes les unités
du camp retrarlch1> à l ev-rentlf n fie !`elles
Autopsie d'une défaite
Parmi les défaites qui jalonnent l'histoire militaire française,
Diên Biên Phu est sans nul doute l'une de celles qui
au XXe siècle a eu le plus de retentissement et de conséquences.
Elle précipite d'abord l'achèvement d'une guerre longue
et coûteuse. Ensuite, elle marque la fin d'une présence
et d'une domination française vieille de plus de 90 ans.
Enfin, dans le reste de l'Union française, ce désastre
a un retentissement énorme auprès des indépendantistes,
notamment en Algérie où elle va encourager le FLN
à passer à l'action. Pour toutes ces raisons, Diên
Biên Phu est et reste une bataille décisive.
Snr le nlan humain le bilan .le la
hommes ont combattu dans la maudite. Sur cet effectif, à
du 7 mai, 1 726 ont été tué: ont disparu, 5
234 ont été et 1 161 ont déserté. Le
nor prisonniers faits à Diên Biên donc important
: 11 721 homn 4 436 blessés. Or sur ce no: l'exception de
858 blessés libér le 14 et le 26 mai, pour raison
c seulement 3 290 hommes revi vivants des camps du Viêt-Mi
autres mourront d'épuiseme malnutrition, d'absence de soir
maladie lors du trajet ou dans k eux-mêmes.
Le total des pertes ennen également conséquent. Sur
les hommes mobilisés pour la ba 900 auraient trouvé
la mort et i 000 et 20 000 auraient été bleu Sur le
plan militaire, la bat Diên Biên Phu a confirmé
h du Viêt-Minh et celle de Giap s'est révélé
être un rec adversaire mais aussi un tal, tacticien et surtout
stratège. Ce malgré toutes les prévisions adversaires,
est arrivé à masse
temnc rPcnrfl et flanc lin lieu
diversion,
le général vietnamien est aussi parvenu à contraindre
Navarre â disperser ses moyens terrestres et aériens
sur des théâtres d'opérations secondaires et
ainsi à le priver d'éléments indispensables
alors même que débutait la bataille décisive
de la guerre d'Indochine. Enfin, Giap et c'est peut-être là
le plus important, en repoussant la date de son offensive du 25
janvier au 13 mars, contre l'avis de la plupart de ses subordonnés
et ceux de ses conseillers chinois, a su prendre
meilleure décision, celle qui a assuré a son armée,
une victoire certaine et décisive.
Tactiquement, le Viêt-Minh a démontré un réel
savoir faire. Grâce à une main 'oeuvre abondante, et
par des travaux de terrassement d'une ampleur égalée,
il est arrivé à Circonscrire et à vestir le
camp retranché en un temps sez court. Ces travaux qui ont
pris des proportions considérables », ont u à
Diên Biên Phu, une influence aussi déterminante
que celle de l'artillerie.
Servie par des canonniers expérimentés et maîtres
dans l'art du camouflage, énéficiant d'observatoires
xceptionnels et d'une nette supériorité umérique,
cette dernière a joué un ôle des plus importants.
Par des tirs
concentration, laissant à ceux qui les bissaient une véritable
« impression écrasement », les artilleurs viêt-minh
nt en effet contribué efficacement à la rise des positions
attaquées. Quant aux s de harcèlement visant à
interdire ou gêner les relèves et le ravitaillement
u ceux de contre-batterie destinés
à museler les canons adverses, ils ont tous été
d'une redoutable efficacité. Si le Viêt-Minh a fait
preuve d'une grande maîtrise dans l'utilisation de l'artillerie,
il a su aussi avec brio entretenir loin de ses bases de ravitaillement,
un corps de bataille fort de 33 bataillons. Ce ravitaillement a
constitué une véritable prouesse pour les 260 000
porteurs de Giap si l'on sait qu'en l'espace de seulement six mois,
sur plus de 500 kilomètres, ceux-ci ont transporté
16 250 tonnes de munitions, matériels et vivres6. Pour acheminer
celles-ci, le général vietnamien a mobilisé
tous les moyens dont il disposait, soient 20 000 bicyclettes, 400
camions, 11 800 radeaux, 500 chevaux et bien sûr des hommes
en grand nombre dont une bonne partie a été affectée
à la création et à l'entretien de routes et
de pistes menant au champ de bataille, au percement de casemates
ou au hissage des pièces d'artillerie sur les contreforts
de la cuvette.
Au
vue de ces éléments, il est aisé de comprendre
pourquoi le corps de bataille vietnamien a très vite pris
à Diên Biên Phu, l'ascendant sur son adversaire.
Abandonné à lui-même, celui-ci a résisté
tant bien que mal pendant cinquante-sept jours dans des conditions
effroyables dignes de la première guerre mondiale, à
la différence près que pendant ce conflit, les combattants
pouvaient bénéficier d'une relève, ce qui ne
sera jamais le cas pour ceux de la cuvette dès lors que
Etienne Le Baube, doctorant en histoire militaire et études
de défenses, c'est spécialisé sur l'Asie orientale
où il a séjourné plusieurs années.
Christophe Dutrône, titulaire d'un DEA en histoire militaire,
il collabore à plusieurs historiques et uniformologiques.
la piste sera fermée. La fermeture de celle-ci en empêchant
le ravitaillement et l'évacuation des blessés constituera
pour le commandement du camp retranché, un véritable
casse-tête. Sans munitions, vivres et renforts humains suffisants,
la garnison de Diên Biên Phu ne pouvait l'emporter face
à l'armée de Giap constamment approvisionnée
et renforcée. Certes des unités seront parachutées
sur la cuvette et ce presque jusqu'à la fin du camp retranché,
mais celles-ci le seront en trop petit nombre et surtout de façon
trop étalée dans le temps pour permettre de combler
les pertes ou de reprendre à l'ennemi les positions perdues.
Certains objecteront alors que si les nombreux déserteurs
que comptaient les berges de la Nam Youn avaient poursuivi le combat,
la garnison aurait disposé de suffisamment d'hommes pour
tenir jusqu'à l'arrivée de la mousson, laquelle aurait
sans aucun doute contraint Giap à lever le siège.
Cette
LES AUTEURS
Né en 1910, ou 1912 selon les sources, à An Xa, dans
la province de Quang Binh en Centre-Annam. Fils de mandarin, il
obtient son baccalauréat de philosophie à Hanoi en
1934 ainsi qu'une licence de droit en 1938. En 1937, Giap exerce
le métier de professeur d'histoire à l'école
Thang-Long à Hanoï. Il refuse une bourse d'étude
en France et adhère au parti communiste en 1939. Il épouse
la fille du doyen de la faculté de lettre de Hanoi. Après
l'interdiction du parti communiste indochinois en 1939, il s'exile
en Chine. Sa femme, demeuré en Indochine est arrêtée,
condamnée aux travaux forcés et meurt en prison. Membre
fondateur du Viêt-Minh lors de sa création en 1941,
il y assume les fonctions de chef militaire avant de devenir ministre
de la défense de la République populaire du Vietnam
en 1946. Il devient membre du Politburo du parti Lao Dong, le parti
des travailleurs, en 1951. Opposé à Lê Duan
et Le Duc Tho qui l'accusent à partir de 1962 de révisionnisme
prosoviétique et d'être un partisan de la politique
de coexistence pacifique, il est défendu par Hô Chi
Minh. Giap doit à sa popularité au sein de l'armée
d'avoir pu résister face aux menées du clan Lê
Duan. Il doit cependant démissionner du poste de Ministre
de la Défense en 1980, est se retrouve exclu du bureau politique
du Lao Dong en 1982. Il reste néanmoins vice-premier ministre
jusqu'en 1991. Aujourd'hui retiré à Hanoï, Giap
continue à s'exprimer régulièrement sur l'évolution
politique de son pays. Il est l'auteur de Guerre du peuple - Armée
du peuple (François Maspero, 1967) et plus récemment
a publié ses Mémoires, traduite en français
chez Anako, en 2003. Vo Nguyen Giap demeure le dernier témoin
vivant parmi les grands acteurs de la guerre d'Indochine.
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